La discussion avait été transcendante. Difficile, même : mes repères s’estompaient, semblaient flous et d’un seul coup, se refermer sur moi-même. Je réalisais que ma place était ailleurs. Pas ailleurs physiquement, mais ailleurs mentalement. Je réalisais que les préceptes qui « dirigeaient » ma vie, de manière tellement certaine, tellement évidente, venaient de bouger.
+Comme si je sortais d’un ensorcellement, que mon comportement — ma perception, même — avaient étés durant des années, différents, et que, enfin, je me réveillais. Avec un arrière-goût amer dans le fond du palais.
+L’incantation ne commençait pas : ses effets finissaient par disparaître. Comme sorti du brouillard, une certitude : bien que je n’étais pas le seul à réaliser le sort qui m’avait été réservé, beaucoup d’autres n’en avaient pas du tout conscience. Voire même : ceux qui n’en avaient pas conscience semblaient évoluer dans ce qui me semblait maintenant une béatitude malaisante.
+Certain⋅e⋅s s’injectaient même volontairement des doses de cette potion pour que le brouillard ne se dissipe pas. Et je comprends pourquoi : les effets sont puissants, ils rendent les frontières lisses, colorent les interstices, remplacent les malaises par des joies candides.
+Malgré ça, je suis content d’entrevoir maintenant le monde comme il est réellement. Je suis content de refuser cette vérité qui n’en est pas une, cette science occulte destructrice.
+J’entrouvre les yeux par delà le brouillard, et il ne fait pas spécialement beau. J’aurais voulu, pourtant.
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