Alexis Métaireau - Jérémie Cravattehttps://blog.notmyidea.org/2019-10-01T00:00:00+02:00L’effondrement, parlons-en…2019-10-01T00:00:00+02:002019-10-01T00:00:00+02:00Jérémie Cravattetag:blog.notmyidea.org,2019-10-01:/leffondrement-parlons-en.html<h2 id="la-collapsologie-comme-science">La collapsologie comme science</h2>
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<p>[…] Cela a pour effet de donner l’impression à l’audience qu’elle prend
connaissance d’une réalité objectivée (et donc méthodologiquement vérifiable)
plutôt que d’un discours. Cela implique, par exemple, que des raccourcis opérés
entre plusieurs phénomènes […] tiendraient de la méthode scientifique plutôt que …</p></blockquote><h2 id="la-collapsologie-comme-science">La collapsologie comme science</h2>
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<p>[…] Cela a pour effet de donner l’impression à l’audience qu’elle prend
connaissance d’une réalité objectivée (et donc méthodologiquement vérifiable)
plutôt que d’un discours. Cela implique, par exemple, que des raccourcis opérés
entre plusieurs phénomènes […] tiendraient de la méthode scientifique plutôt que de l’interprétation. Comme le souligne Elisabeth Lagasse , le melting-pot opéré entre sciences naturelles et sciences sociales induit une naturalisation des rapports sociaux qui n’est plus discutée. Assumer qu’il s’agit d’interprétations à mettre en débat serait bien plus utile. En lieu et place de cela, les personnes qui critiquent ces interprétations sont régulièrement accusées d’être dans le « déni ».</p>
<p>Enfin, cette ambiguïté nourrit le sentiment que l’effondrement généralisé est une
hypothèse, un modèle qui se vérifiera ou non, un événement qui aura lieu ou non.
On appelle d’ailleurs ces discours « théories de l’effondrement ». Or, la question
n’est pas là. La situation écologique et sociale n’est pas une hypothèse.</p>
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<h2 id="raccourcis-confusionnisme">Raccourcis / Confusionnisme</h2>
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<p>Les discours collapsos amalgament malheureusement sous ce mot valise d’effondrement des changements irréversibles – qu’on ne peut, en effet, que tenter de limiter et préparer (comme la destruction de la biodiversité et l’emballement climatique) – avec des changements totalement réversibles (comme la montée des fascismes, le transhumanisme ou la financiarisation du monde). </p>
<p>« Si la finance s’effondre, ça fait des effets de contagion qui font des effondrements économiques. Effondrement financier, c’est quand il n’y a plus rien dans les guichets automatiques, c’est l’Argentine en 2001. Si ça se propage à un effondrement économique par les chaînes d’approvisionnement, ben ça fait plus rien dans les magasins. Et là tu te poses des questions, est-ce qu’on souhaite ça ? Ça peut dégénérer, en chaos social, politique. L’effondrement politique c’est l’<span class="caps">URSS</span> en 1989, t’as un retour des mafias etc. Si on va plus loin, l’effondrement social c’est la Lybie, c’est Mad Max quoi, y’a plus d’État, y’a plus rien. Qu’est-ce qu’on souhaite, qu’est-ce qu’on souhaite pas ? […] Le problème c’est que tout est inter-connecté. Tu souhaites l’effondrement du capitalisme ? Mais si il s’effondre, il y aura d’autres choses qui vont s’effondrer parce que tout est lié. » (Pablo Servigne)</p>
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<p>Passage qui montre qu’il y a une sorte de confusionnisme dans le discours de Servigne.</p>
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<p>La confusion porte sur la notion de « civilisation thermo-industrielle » et sa prétendue fin. Les discours de l’effondrement présentent une série de constats angoissants (à raison) puis expliquent (à tort) que cela correspond à « l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle ». Cette manière de présenter les choses – qui associe une mauvaise et une bonne nouvelle (la fin du monde et la fin de cette « civilisation » destructrice) – provoque, au mieux, une confusion entre les deux, au pire, un désir de trouver un peu de répit pour cette « civilisation » à laquelle le public s’identifie.</p>
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<h2 id="depolitisation">Dépolitisation</h2>
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<p>Faire croire que « tout va s’effondrer » d’un bloc, comme un bâtiment, donner l’impression aux personnes qu’elles n’ont aucune prise sur la situation présente et à venir, c’est alimenter le sentiment d’impuissance, la croyance que nous sommes face à une impasse plutôt que face à une multitude de chemins.</p>
<p>L’approche fourre-tout de l’effondrement dépolitise la question écologique appelant, dans un élan de prétendue « lucidité », à faire le deuil de choses inévitables et de choses évitables. S’agit-il de faire le deuil des services publics tout en continuant à payer des impôts, d’un climat tempéré, de la majorité des espèces vivantes, de « nos » proches, de la moitié la plus pauvre ou la plus riche de l’humanité en premier lieu, du « confort » d’un système de santé équitable ou à deux vitesses… ? […] il s’agit un peu confusément de tout cela à la fois, sans précisions.</p>
<p>Pour reprendre la fameuse métaphore de l’incendie, si les Colibris nous appellent
à faire notre part individuellement plutôt que le nécessaire collectivement, les récits
collapsos nous appellent (individuellement et collectivement) à accepter l’incendie et
à préparer la renaissance qui y ferait suite. Ce qui brûle dans cet incendie (et, surtout,
dans quel ordre), on n’en parle pas trop.</p>
<p>Nombre de collapsos parlent de « verrouillages » complexes de la société actuelle
(sociaux, techniques et politiques) pour justifier leur posture d’acceptation. Cela pour-
rait signifier, par exemple, que lutter pour exproprier et socialiser les multinationales
de l’énergie (afin de les démanteler ou de les reconvertir, selon les cas) constituerait
du « marchandage » (la troisième étape du processus de deuil), c’est-à-dire une forme
de déni de l’aspect inextricable (verrouillé) de la situation. </p>
<p>Même lorsqu’on est convaincu·e que les choses sont « verrouillées », il est intellec-
tuellement malhonnête – en plus d’être irresponsable – d’invisibiliser les interactions,
conflits, solidarités, résistances existantes (et à venir) qui modifient la situation et les
manières dont les basculements écologiques sont et seront vécus.</p>
</blockquote>