De toutes façon, la possibilité même de la discussion avec des femmes portant le foulard est exclue expressément car, quelque soit le sens qu’une femme portant le foulard donne à son acte, ce sens ne doit pas être pris en compte : le foulard est censé avoir une signification « universelle » que seules les féministes occidentales peuvent déceler. Ce sera la position de collectif national des droits des femmes. Comme la commission Stasi, qui refuse par principe d’auditionner des jeunes filles « voilées ». [p7]
« C’est aussi parce que les unes s’y soumettent (ou y adhèrent) [au port du foulard], que celles qui le refusent sont systématiquement harcelées, traitées de « putes » — ou violées ». Elle ne rejette pas le foulard seulement en tant que symbole de soumission : elle voit les femmes qui le portent comme les complices volontaires des violeurs, puisqu’elle prétend que sans elles, les violeurs ne sauraient pas exactement qui violer; pense-t-elle qu’il suffirait de supprimer les foulards pour supprimer le viol ? [p8]
En somme, le foulard devient aussi le symbole de la violence sexiste. Pas de la violence sexiste en général : mais d’une violence sexiste propre aux quartiers et banlieues » et aux populations qui y vivent. Le foulard est présenté comme le signe de l’existence en France d’une culture « autre », caractérisée par un sexisme également autre que le sexisme « ordinaire » (français) dont certaines […] mettent l’existence en doute. [p9]
En dépit de la documentation importante sur le sujet, l’excision, qui se pratique dans les régions d’Afrique chrétiennes, animistes et musulmanes, mais est inconnue de la majorité des pays musulmans (Maghreb, Moyen-Orient, Arabie, Yémen, Indonésie, Malaise), est encore couramment attribuée à l’islam. [p11]
On s’aperçoit aussi que ces campagnes internationales concernent exclusivement les « pays du Sud ». Or, les femmes de Belgique et de Norvège auraient certainement besoin de notre soutien, comme nous avons besoin du leur. Ceci renvoie à un problème majeur dans l’appréhension du monde, qui n’est pas le fait des seules féministes, mais qui constitue un piège dans lequel nous tombons avec une régularité remarquable : le sort des femmes en Occident nous paraît incontestablement meilleur que partout ailleurs dans le monde. [p12]
Le débat à laissé supposer que là où apparaît le foulard, apparaîtront un peu plus tard, de façon nécessaire et inévitable, l’enfermement des femmes, les mariages forcés, la lapidation, l’excision, l’amputation de la main des voleurs, etc. Le foulard des jeunes françaises a donc été dénoncé non pour ce qu’il est ici et maintenant, mais pour ce qu’il pourrait annoncer.
La violence sexiste perpétrée dans les w quartiers et banlieues », par les Arabes et les Noirs qui y vivent, est systématiquement dissociée de la violence sexiste « ordinaire ». La première est mise en exergue comme extraordinaire : tellement plus grave qu’elle est considérée à part, et jamais comme un cas ou une instance de la violence ordinaire. Cette violence extraordinaire est ensuite dénationalisée 4 le « patriarcat le plus dur de la planète » ne peut venir que d’ailleurs que de l’hexagone; elle est africaine, elle est musulmane. Du même coup, ses auteurs, les Arabes et les Noirs, sont présentés comme extérieurs à la société française. [p13]
On a vu que pour ces féministes « partagées », tout se passe comme si établir que la loi est raciste n’était pas une raison suffisante pour la refuse. C’est donc qu’elles acceptent l’idée que des lois pourraient être bonnes pour les femmes tout en étant racistes (« raciste peut-être, mais ne pas oublier les femmes »). Mais pourraient-elles accepter cette idée, que des lois visant une population, donc racistes, pourraient être néanmoins anti-sexistes, si elles ne partageaient pas avec les féministes pro-loi une prémisse fondamentale : le sexisme serait pire dans les « quartiers », et justiciable d’un traitement spécial ?
[L]es buts du féminisme […] sont non seulement de traquer le sexisme partout où il est, mais aussi de refuser l’idée patriarcale qu’il serait miraculeusement absent de certains lieux, de certaines relations, bref, qu’il est localisé, et qu’on peut y échapper.
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