Alexis Métaireau - Benjamin Rouxhttps://blog.notmyidea.org/2024-02-01T00:00:00+01:00L’art de conter nos expériences collectives2024-02-01T00:00:00+01:002024-02-01T00:00:00+01:00Benjamin Rouxtag:blog.notmyidea.org,2024-02-01:/lart-de-conter-nos-experiences-collectives.html<p>J&#8217;ai lu le livre en une petite soirée, l&#8217;écriture étant assez simple et le sujet passionnant. L&#8217;auteur analyse à quoi les « traces » laissées par des collectifs peuvent servir, pour qui et de quelle manière. J&#8217;étais content d&#8217;y voir quelques liens avec [[Micropolitique des groupes]], et …</p><p>J&#8217;ai lu le livre en une petite soirée, l&#8217;écriture étant assez simple et le sujet passionnant. L&#8217;auteur analyse à quoi les « traces » laissées par des collectifs peuvent servir, pour qui et de quelle manière. J&#8217;étais content d&#8217;y voir quelques liens avec [[Micropolitique des groupes]], et ça m&#8217;ouvre les yeux sur le travail de recherche de <a href="https://pnls.fr/">Pascal Nicolas Le-Strat</a>.</p> <p>Quelques morceaux&nbsp;choisis:</p> <blockquote> <p>Se raconter sa propre histoire, c&#8217;est prendre le temps de regarder le chemin parcouru. […] Après avoir agi pendant plusieurs années, les personnes ressentent le besoin de faire un point, un bilan intermédiaire. Regarder ce qui a été fait, parcouru, questionné pour mieux continuer&nbsp;ensemble.</p> <p>— page&nbsp;63</p> <p>Ce besoin de venir (re)questionner la manière de faire ensemble est nécessaire à ces collectifs. Ce n&#8217;est pas dans l&#8217;objectif d&#8217;un travail évaluatif des bonnes ou mauvaises pratiques, mais bien dans un désir d&#8217;entretenir la flamme collective. <strong>Ces collectifs ont besoin de se questionner sans cesse sur leurs pratiques. Sur les raisons qui les poussent à faire ensemble. Sans quoi, l&#8217;activité du groupe piétine et ses membres peuvent se dégager du projet commun.</strong> C&#8217;est une manière de redonner de l&#8217;élan et de la motivation au collectif. Ce besoin de se redire: « pourquoi nous sommes-nous mis ensemble et où voulions-nous aller ?&nbsp;»</p> <p>— page&nbsp;64</p> <p>C&#8217;est notamment ce qu&#8217;avance Pascal Nicolas Le-Strat: « <strong>Le travail du commun implique un processus de capacitation, à savoir une montée collective en capacité.</strong> C&#8217;est donc sur ce plan spécifique qu&#8217;il me semble nécessaire de poser la question de l&#8217;empowerment. Travail du commun et empowerment sont deux processus qui se développent en dépendance réciproque, l&#8217;une se posant nécessairement comme le présupposé de l&#8217;autre, et toujours réciproquement. ». <strong>Il va même plus loin en posant la « montée en capacité » comme une nécessité, comme un élément constitutif d&#8217;un collectif</strong>: « le collectif rehausse son agit à la mesure des ressources (matérielles et immatérielles) qu&#8217;il parvient à construire en commun, et en retour ce commun émergeant […] lui ouvre de nouvelles perspectives d&#8217;action et élargit son horizon de pensée&nbsp;»</p> <p>— page&nbsp;64</p> <p>Le récit ainsi raconté devient un appui à la mise en capacité des personnes […]. [Ces récits] deviennent une étape presque constitutive de la vie du groupe. Les pratiques autour de ces livrets poussent même l&#8217;effet encapacitant au niveau de ce qui se crée durant lerur processus de production. Ce qui est raconté à l&#8217;intérieur devient secondaire: « nous on était plutôt à se dire &#8220;on en fait trop&#8221; [de livrets], et les groupes disaient &#8221; ce n&#8217;est pas grave si les gens ne lisent pas le livret, on ne le fait pas nécessairement pour qu&#8217;il soit lu&#8221; ». Le processus de production de livrets de <em>Capacitation Citoyenne</em>, est initié par la démarche d&#8217;une association qui vient à la rencontre de collectifs pour <strong>leur proposer le récit comme outil d&#8217;organisation</strong>. Ce faire moteur est donc effectif lorsque le collectif s&#8217;en saisit et reconnaît le sens qu&#8217;il peut avoir dans la vie et la dynamique du groupe. — page&nbsp;83</p> <p><strong>Il y aurait donc deux types d&#8217;imaginaires</strong>. Le premier se rattache à la grande Histoire, <strong>un imaginaire « qui divertit — littéralement, te détourne de la voie »</strong> et qui se matérialise notamment à travers les médias, le divertissement et la Culture (unique et avec une majuscule) de masse, tel qu&#8217;Hollywood peut le proposer. <strong>Le second imaginaire, à l&#8217;inverse serait « celui qui subvertit</strong>, c&#8217;est à dire passe sous la voie, incline le sol, le fracture ». Et s&#8217;il est assez aisé de se laisser divertir, d&#8217;être dans l&#8217;inaction, le geste de subversion quant à lui « est devenu difficile, car subvertir c&#8217;est créer » et donc relève de l&#8217;action. — page&nbsp;86</p> <p>A travers ce processus, <em>Si on s&#8217;alliait ?</em> s trouve entouré et porté par un mythe extérieur encapacitant fait de leur histoire particulière et de celle, plus globale, de l&#8217;organisation communautaire. Ce récit extérieur s&#8217;est construit à partir des moments les plus significatifs et nous avons tendance à nous focaliser sur l&#8217;heureux, le festif, le jouissif, les affects joyeux. De fait, ce mythe fait l&#8217;impasse sur les étapes plus laborieuses par lesquelles le collectif est passé. Les organisateurs et organisatrices se retrouvent ainsi pris au piège entre, d&#8217;une part, leurs difficultés et tensions vécues au quotidien dans leur travail, et d&#8217;autre part, ce que leur renvoient les personnes extérieures qui ne connaissent d&#8217;eux que le côté positif et passionnant de ce qu&#8217;ils font. Cette dissonance entre les objectifs atteintes et visibles et les manières laborieuses d&#8217;y parvenir est donc&nbsp;invisibilisée.</p> <p>Il n&#8217;est pas question, ici, de regretter l&#8217;existence de ces expériences au prétexte que des souffrances y sont éprouvées. <strong>Nous touchons là, malgré tout, un des enjeux des expériences collectives: la question du « je » dans le « nous » lorsque l&#8217;engagement est total (travail, engagement militant,&nbsp;passe-temps…).</strong></p> <p>Dans le cas de <em>Et si on s&#8217;alliait ?</em><strong> </strong>il est intéressant de remarquer que le mythe, duquel le collectif était prisonnier, se trouve être un récit<strong> de leur expérience qui est raconté hors des frontières de celle-ci. C&#8217;est un récit </strong>construit par des personnes extérieures au collectif à partir des traces que celui-ci donnait à&nbsp;voir.**</p> <p>— page&nbsp;103</p> </blockquote>