Hier, je lis un message de Yannick sur mastodon, et je me rends compte qu’il génére une réaction nouvelle chez moi, que je ne comprends pas vraiment.
Son message :
Dans la voiture bar d’un train Paris -> Quimper ;
Ne pas entendre une blague du « barista » parce que je me suis écarté pour laisser passer un passager qui retournait en 1ere classe ;
Faire répéter le barista qui faisait une blague cynique sur la retraire ;
Réaliser que c’est Michel Edouard Leclerc qui vient de passer ;
Se dire que j’aurais aimé l’entendre s’exprimer sur les retraites … — Yannick François: “Dans la voiture bar d’un train…” - Framapiaf
J’essaye d’analyser pourquoi son idée me fait réagir, ce que ça vient chercher chez moi.
D’un côté j’ai une envie de justice : je veux confronter ces personnes au monde qu’il créent et dont ils profitent, d’un autre côté ça me fait peur.
Peur de deux choses :
- D’avoir de l’empathie pour eux au moment ou je cherche à les écouter et à les comprendre.
- Peur de ne pas réussir à les écouter parce que je n’arrive pas à m’extraire de mon sentiment d’impuissance et d’injustice.
Je lis bien ma contradiction ici, et je crois que ça cache que j’ai peur de les comprendre.
Comme si les comprendre rajoutait au problème, comme si en les comprenant ça voulait dire que j’étais d’accord avec eux. Pourtant c’est un des méchanismes que j’aime le plus : discuter avec des gens avec qui on est en désaccord permet de mieux les comprendre, et donc d’avoir une meilleure compréhension du monde.
En fait, j’ai peur que ma compréhension fasse évoluer ma manière de penser : que leurs idées percolent, en les écoutant. Peur que mon monde vacille petit à petit. C’est une peur que j’ai aussi rencontrée par le passé, lors de discussions avec des personnes dont les propos me paraissaient dépasser les limites de ce qui est acceptable pour moi, parce qu’elles font vivre des violences à d’autres.
Je me rends compte de ce que ça à d’étrange : d’un côté je veux une société libre, libertaire, où on écoute les points de vue des un·es et des autres avec bienveillance, où on décide ensemble; et de l’autre côté je refuse des visions du monde qui ne sont pas les miennes.
Où placer la limite ?
Il me semble que c’est le paradoxe de la tolérance. Mais on peut aussi voir la tolérance comme un contrat social, ce qui revient à dire que pour être tolérant envers quelqu’un·e; il faut que cette personne soit tolérante envers nous / envers les autres.
Peut-on écouter sans tolérer ? Est-il possible / souhaitable d’avoir une discussion avec des personnes intolérantes ?