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Quel métier, quelle utilité ?

Aujourd'hui, mon métier est d'être développeur d'applications. Imaginer des solutions techniques pour faire marcher des logiciels, puis écrire les lignes de code nécessaires.

Être Développeur n'est pas un métier qui a du sens en lui même (comme peut l'être le métier d'instituteur/rice par exemple). Tout comme lorsque l'on est écrivain il est important de se poser des questions sur les textes que l'on produit, pour qui et dans quel but; il est important de se questionner sur l'utilité du métier de développeur, et sur l'utilisation des contenus produits.

Je suis un développeur parce que je défends certaines valeurs. Les valeurs du partage de connaissances, de la collaboration, et de l'émancipation.

Je suis aussi développeur parce qu'il me plait de créer des contenus à partir de "pas grand chose". La magie de la création logicielle m'anime, parce que j'ai l'impression qu'il est possible de faire des choses géniales à partir de ce "pas grand chose". Donnez moi un ordinateur et je vous crée une application de partage de semences paysannes. Un peu comme il est possible de donner une feuille de papier à un dessinateur pour se retrouver avec un univers magnifique couché sur papier.

Je me rends compte qu'au fur et à mesure des années, je me laisse ramollir, absorber par le quotidien et me retrouve à ne plus me poser de questions quant à l'utilité de mon métier. Pourquoi est-ce que je code ? À qui cela sert il ? Quelle est ma motivation réelle ?

En travaillant pour Mozilla, on pourrait croire que ce problème est résolu de fait, puisque après tout, Mozilla, c'est les "protecteurs du web", des gentils, et qu'on essaye nécessairement de faire les choses bien…

L'omniprésence technologique

Je ne suis pas convaincu qu'utiliser la technologie de la manière dont on le fait actuellement est systématiquement une bonne chose:

Depuis 2 ans quasiment maintenant, Mozilla travaille sur un système d'exploitation mobile, un remplaçant pour les iphones et androides, qui utilise cette fois ci les technologies du web. Les avantages sont multiples, et le principal intérêt est de faire un téléphone qui ne soit pas au service des "gros" du Web mondial (Google et Apple).

Ces "ordiphones" à destination des pays dits "émergents" sont d'ailleurs construits à faible coût — toujours de manière honteuse, pour la plupart en chine, dans les mêmes chaines de production que les autres téléphones, mais c'est un autre débat.

L'idée, assez intéressante d'un point de vue marché (les pays en question n'ayant que peu de périphériques actuellement semblent un terrain propice à la diffusion des "ordiphones"), est de donner accès à la technologie, au Web à ces pays émergents.

L'accès à la technologie pour tous me semble relever de la chimère productiviste: je conçois que la technologie puisse être un pas en avant assez fou, notamment lorsque l'on connaît la richesse des contenus qu'on peut trouver sur le web, mais cette richesse vient aussi avec un certain coût, que nous avons actuellement du mal, en tant qu'utilisateurs, à contrôler et à mesurer. Les gens sont beaucoup beaucoup trop connectés.

Je le suis par exemple bien plus souvent que ce que je voudrais l'admettre, que ce soit pour regarder un film, lire mes emails, communiquer avec des amis, faire de l'associatif, écrire du code, des billets sur ces carnets…

Cette technologie, omniprésente dans nos vies, je ne sais pas si c'est un futur que je souhaite partager.

Pour prendre un autre exemple, les bienfaits de la technologie ne viennent pas seuls. Les réseaux sociaux, qui constituent une bonne part de l'utilisation du Web, relèvent du culte de la personnalité, de l'individualisme, et ce n'est pas ce développement que je souhaite pour notre société.

L'idée de base du Web, le fait de faire une toile de connaissances ouverte et partagée entre tous est en train, petit à petit, de glisser vers l'idée d'un outil de relai de l'information, où tout va vite, où l'on ne prends guère plus le temps de lire autre chose que les titres des quotidiens, ou des "tweets" de cent vingt caractères…

Des outils utiles

Bon an, mal an, je pense quand même que la technologie puisse être un vecteur d'émancipation. Plus spécifiquement, je crois qu'il ne faut pas laisser l'utilisation de la technologie aux "gros", aux entreprises, aux états ou "spécialistes".

Il est important de ne pas laisser ceux que l'on combat s'emparer des "outils du pouvoir". La science, la technologie ou les médias sont autant de champs qu'il est important de défendre, de conserver, de s'approprier.

Un des objectifs que je me fixe, pour les années à venir, ce que j'ai envie de créer, c'est à la fois des outils utiles pour les organisations, mais aussi éduquer à ces outils.

Parce que l'éducation populaire ne s'arrête pas aux frontières du numérique, parce qu'il est important de se battre avec les mêmes outils que ce monde que l'on cherche parfois à combattre.

Les outils sur lesquels j'ai envie d'être amené à travailler sont des outils qui favorisent et questionnent la collaboration.

Des outils comme etherpad par exemple, révolutionnent la manière de prendre des notes en commun, et il reste énormément à faire sur le web à ce propos.

Nombre d'associations me demandent de plus en plus souvent ce qu'il en est de Daybed, et de quand est-ce qu'on va pouvoir utiliser un système de génération de formulaires en ligne, qui ne soit pas centré sur les services de google…

Allez, au boulot !

PS: je me rends compte après relecture que ce billet fait echo à un billet que j'ai écris juste alors que je terminais mes études, sur le sens du travail et de l'informatique, ça fait du bien :)