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Les ignorances affectives | Jérémie Lefranc | Un texte de Jérémie Lefranc, dont j'ai beaucoup apprécié la lecture. Ça parle d'un collectif auquel j'ai pu me rendre il y a plusieurs années, « Cravirola », et de la manière dont certains conflits s'y sont déroulés. | collectif, médiation |
Voici quelques morceaux choisis.
Cela me posait aussi la question des limites, du cadre. Si dans un tel système, dans lequel la mise en commun est la règle, dans lequel en contrepartie les individus s’engagent à ne pas s’exclure les uns-les autres, jusqu’où l’individu peut-il aller ? Quand dépasse-t-il les bornes ? Et quelles sont ces bornes ? Qui les définit ? Et qui se charge du rappel à la loi au sens de règle commune ?
Ça fait tout à fait écho à ma situation personnelle : les collectifs lorsqu'ils sont en création ne se posent pas nécessairement les bonnes questions, entre autre la question des limites de ce qui est acceptable pour chacun·e.
Collaborer dans ce contexte signifie être capable consciemment de laisser ponctuellement plus de place au désir de l'autre qu'au sien propre.
L'extrait qui suit illustre cette pratique. Le consensus devient alors « le moment où la discussion est suffisamment avancée pour qu'il n'y ait plus personne qui s'oppose à la décision, ce qui ne veut pas dire que tout le monde est forcément d'accord avec la décision, mais ce qui veut dire que les personnes qui ne sont pas d'accord ou faiblement d'accord avec la décision disent bah, je ne suis pas d'accord ou je n'aurais pas fait comme ça mais je veux bien qu'on fasse comme ça et qu'on essaye ».
Il me semble qu'il s'agit d'une définition qui porte en elle implicitement un aspect important même s'il peut sembler une évidence, à savoir le fait que pour qu'un tel processus aboutisse, chacun des individus en présence et je dis bien chacun, doit accepter parfois de lâcher la décision, autrement dit, chacun doit être capable de savoir s'abstenir d'imposer son opinion, y compris et surtout peut-être, lorsqu'il est convaincu d'avoir raison.
Pour qu'une telle conception fonctionne il me semble qu'elle doit inclure une forme d'accord tacite de réciprocité, à tout le moins de non-systémiticité.
Autrement dit, une vigilance collective à ce que ce ne soit pas toujours le ou les-mêmes qui lâchent la décision... Et réciproquement, que ce ne soit pas toujours le ou les mêmes qui l'emportent. Dire cela revient à tenter de se montrer attentif à la dimension relationnelle afin que la dimension efficacité/production ne prenne pas toute la place.
J'ai pu malheureusement rencontrer ces situations dans certaines expériences pro. Pour moi, tout est dit ici : faire ensemble c'est apprendre à décider ensemble. Mais comment faire ? Comment procéder pour que ce qui est invisible (les jeux de pouvoir) puisse être nommé ?
Ce rôle informel (de leader) se construit à la croisée de besoins du groupe et de peurs de la personne qui l'assume.
Ainsi l'hypothèse est la suivante, le leader répond à la fois à un besoin du groupe, dans ce cas un besoin d'orientation, et à la fois à ses propres peurs. Et quelles peurs peuvent conduire un individu à courir systématiquement devant les autres, à avoir toujours une idée ou une proposition d'avance, à souvent en porter davantage que la plupart des autres membres ?
Probablement la peur du contrôle. Peur du contrôle qui viendrait frustrer son besoin d'autonomie et qui le conduirait in fine à se montrer lui-même contrôlant.
Ce qui peut le pousser par exemple à effectivement avoir un temps d'avance sur ses collègues en terme de propositions, afin de ne pas avoir à subir celles des autres membres du groupe. Cela lui évite certes d'avoir à discuter des propositions des autres (et ainsi il a le sentiment d'échapper au contrôle), mais qui en conséquence impose tacitement aux autres de discuter essentiellement de ses propositions.
Ce qui peut aussi, pour les mêmes raisons, le pousser à résister à la mise en place d'un cadre formel, limitant précisément ses fonctions.
Ce passage raisonne beaucoup chez moi, j'aimerai en lire plus sur le sujet.