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draft | Gris, Réga, Lanterne et Sonnette |
Il y avait celui qu'on avait fini par nommer « gris ». Il n'avait pas toujours été comme ça, mais ces dernières années, c'est comme si il s'était perdu dans les méandres de ce qui avaient étés, il y a longtemps, ses envies. Voyager, c'était à l'époque pour lui un appel, comme une envie d'ailleurs, toujours présente alors même qu'on y est déjà, ailleurs.
Lui qui croyait aux rencontres, elles ne lui suffisaient plus. Un trajet en chassait un autre, alors que le premier n'était pas terminé. Le voyage lui avait laissé des valises sous les yeux, peut-être a force de soulever et de reposer celles qu'il se trainait un peu partout avec lui.
Il avait d'ailleurs fini par les remplacer, ses grosses valises par une petite mallette, dans laquelle il pouvait ranger tout ce qui était important pour lui: ses livres, sa montre à ressors, son calepin a la couverture bleue déchirée, et surtout, bien sur, son rasoir manuel, avec lequel il aimait tant s'amuser, de manière un peu dérangeante. Il l'avait même utilisé une fois pour faire peur à des enfants un peu trop bavards avec qui il partageait la cabine.
Assise en bord de rivière, Réga regardait les libellules jouer les unes avec les autres, s'envoler puis se reposer, sans trop comprendre ce qu'elles faisaient, mais ça ne semblait pas la déranger, ni même la questionner. Ce qui était n'était pas là pour être questionné.
Elle avait une quiétude rassurante au fond des yeux, verts et bleus, selon la luminosité, comme si chez elle la peine ne pouvait pas exister, comme si elle avait trouvé le remède au froid, à l'éloignement. Elle était profonde, pleine, joyeuse et ouverte. Parfois, quand la conversation démarrait, sans se faire attendre, c'était pour y trouver des échos, comme quand plusieurs cerveaux se mêlaient pour sortir des accords, des harmoniques, qui se répondaient de manière quasiment évidente. Elle ne parlait pas, elle chantait. La conversation était musicale ou n'était pas.
Il y avait aussi Lanterne, nommée comme ça pour les nombreuses embuches desquelles elle nous avait sorti. C'était un phare dans la noirceur troublante de ce qui avait été notre vie par moments. Une énergie brute, une clairvoyance parfois désobligeante. On ne l'aimait pas vraiment, elle nous énervait un peu mais on était bien content de la trouver en cas de besoin. Elle était toujours là, dans ces moments là. Dans la tempête, on pouvait compter sur elle, par jour de beau temps, elle se faisait oublier, comme si sa raison d'être était uniquement les autres
A la regarder, elle étant ronde, luisante, lisse et belle. Mais elle pouvait aussi être percutante et sonore quand il le fallait. Ce que certains pouvaient appeler « un personnage ». C'était un personnage, sonnette.
On pouvait la trouver posée sur le bord d'un comptoir ou à l'entrée d'une maison.
Parfois en mouvement sur une bicyclette.
Contraintes:
- Chacun·e a choisi un objet, et des personnages sont créés à partir de ces objets: une mallette, un harmonica, une lampe tempête, et une sonnette.